La sensation est ici devenue monnaie courante et, nonobstant ses allures de régularité et d'habitudes, elle a tout autant de quoi nous réveiller de nos torpeurs, de nos lassitudes, tant elle illustre un sacré moment de joie partagée: fût-elle, cette fois, consacrée au monstre le plus sacré de l'art du XXe siècle, qui est aussi l'artiste le plus souvent vu et revu, cette nouvelle plongée dans l'univers de Pablo Picasso réserve sa part immense de surprises et d'inédit!
Il est vrai que, contrairement à tant d'autres accrochages Picasso de par le monde (une demi-centaine l'an), celui-ci bénéficie de l'appui de Gérard Régnier, alias Jean Clair, le maître d'oeuvres et conservateur du Musée Picasso de Paris. Et Régnier ne prête pas de ses précieux Picasso - son fonds regroupe quelque 2500 dessins, autant de gravures et environ 350 toiles - sans avoir de bonnes raisons de le faire.
A Martigny, le déclic positif fut pour lui, outre la réputation engendrée par les expositions précédentes, la présence en la Fondation d'une «Tête de taureau tricorne» en bronze qui, datant de l'époque romaine, tisse un lien étroit avec le culte iranien à Mithra, dieu du soleil, dont des vestiges témoignent qu'il fut vénéré à Martigny. Les auspices de l'exposition ainsi trouvés, Régnier suggéra tout aussitôt que la présentation des oeuvres de Picasso s'articulât ici autour de la présence du taureau et du minotaure dans le vaste corpus picassien. Si les oeuvres sur papier sont majoritaires en cette exploration, elles sont aussi de première valeur et souvent inédites, en provenance de collections institutionnelles et privées de partout.
Quelques toiles, des céramiques, des sculptures concentrent idéalement l'attention sur la faconde qu'avait Picasso à s'immerger dans une thématique qui lui collait à la peau. Qui plus est, en correspondance avec ces oeuvres du XXe siècle, sont proposées de remarquables témoignages de l'effigie tauresque depuis la plus haute Antiquité. Des pièces étonnantes prêtées par le Musée du Louvre. Si Picasso nous bouscule tout son siècle durant, il faut ici se pencher sur les quelques merveilles de sa prime jeunesse, de petites huiles et des croquis venus de Barcelone. Sublimes!
Au sommaire : le taureau dans l'oeuvre de Picasso, le taureau dans l'art antique (Le culte du taureau dans l'Orient ancien. Mythes antiques et art figuré : du taureau crétois au taureau grec. Quelques représentations de taureaux d'époque romaine découvertes sur sol helvétique. La tauroctonie. Le "mithraeum" de Martigny. La décoration murale du sanctuaire et l'iconographie mithriaque)
