La question des origines interroge les ressorts les plus profonds de l'être humain. Il faut s'avoir d'où l'on vient pour savoir qui l'on est. D'où le besoin individuel de s'ancrer dans une lignée ; d'où le besoin collectif de se créer un mythe fondateur ; et d'où le besoin universel d'expliquer l'origine du monde. Les réponses à ces questions de la psychologie, avec Sophie Marinopoulos (1re partie), de la sociologie, avec Michel Wieviorka (2e partie) et de la cosmologie, avec Étienne Klein (3e partie). En guise d'épilogue, tous trois confrontent leurs points de vue dans une dernière partie.
En avril 2013, le quotidien Libération publiait un reportage étonnant. La journaliste Alice Géraud s'était rendue dans un collège d'Aubervilliers en banlieue parisienne, au cours d'une journée consacrée au programme «CoExist», un dispositif de lutte contre le racisme et l'antisémitisme fondé sur le principe de la déconstruction des préjugés : la classe, une mosaïque d'ethnies et de cultures, devait proposer - sans réfléchir - des mots associés face à des termes comme arabe, juif, femme, français... Les pires clichés se sont exprimés, les Arabes ayant été qualifiés de «voleurs», les femmes de «soumises» et de «battues», les jeunes de banlieue de «délinquants» et de «casseurs», les Français de «blancs» et de «racistes»...
«La médiatrice demande alors qui est Français dans cette classe. Tous les élèves lèvent le doigt. "Donc vous êtes tous racistes et blancs ?" demande-t-elle... Une fille précise, prenant la parole au nom de ses camarades : "Nous, on est d'origines. Les vrais Français n'ont pas d'origines." La médiatrice : "Mais si vous n'êtes pas Français, vous êtes quoi ?".» À cette question déconcertante les collégiens répondent de manière très variée : «Nous sommes d'origines» répètent certains, «musulmans» disent d'autres, «Arabes», «Africains», «Maliens», «Algériens»... se référant ainsi au continent ou à la nationalité de leurs parents ou même, grands-parents. Ainsi ces adolescents en sont persuadés : il y a bien deux sortes de Français, ceux sans origines, qui auraient une légitimité à vivre en France et seraient ainsi dans leur bon droit. Et puis, les autres, qui, d'une certaine manière, même s'ils vivent là, ne seraient pas dans leur plein droit. Ils seraient à des degrés divers des usurpateurs en somme. Ce reportage a longtemps été présent dans mon esprit. Je me demandais : comment pouvait-on appréhender le monde lorsque l'on grandissait ainsi avec le sentiment d'appartenir à une sous-catégorie ? Ce fut le point de départ de cette réflexion sur la question des origines.
Puis, l'été 2014 a aussi apporté son lot d'étonnements. De passage dans l'Utah, après avoir visité les plus beaux parcs, nationaux des États-Unis, je me devais de faire escale au temple des origines. Il se trouve à Sait Lake City : la ville est investie par les mormons, l'église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, qui essaient de répertorier - dans le but de sauver leur âme - toutes les personnes ayant vécu sur Terre. Les mormons garantissent de cette manière le salut de l'humanité dans l'autre monde. Les données collectées (état civil, registres paroissiaux et documents divers sur microfilms) sont gratuitement mises à la disposition des personnes désireuses de retrouver le lieu de naissance et l'histoire de leurs ancêtres. En plein centre-ville - au Temple square - tout un immeuble est dédié à cette entreprise. Dès l'entrée, vous êtes pris en charge par des bénévoles, dans la langue qui vous convient et dirigé vers le continent qui vous intéresse : Europe de l'ouest, Moyen-Orient, Amériques... Chaque région du monde occupe un étage ou une aile du bâtiment. Là on vous confie à un préposé. (...)
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