Au port, les navires se recueillent entre déchargement et embarquement. Les mouvements ne s’arrêtent jamais : il faut parfois jusqu’à dix-huit jours pour procéder à ces opérations pour un même navire. L’activité est si intense et les navires si nombreux qu’il faut les mettre à couple sur cinq rangs au quai de la Mairie et sur trois au quai de Rive-Neuve, ce qui ne laisse qu’un passage libre d’une quarantaine de mètres pour manœuvrer. Joseph ne se lasse pas d’observer les va-et-vient incessants des bateaux de servitude se faufilant entre les amarres et les coffres d’amarrage. Ponts et quais sont une fourmilière où se presse une foule grouillante et bigarrée qui rappelle son île à l’ancien esclave. En février 1843, un gigantesque séisme raye de la carte la ville de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Joseph y perd la mère de son fils Toussaint. Tous deux fuient le chaos tout autant que leur misérable condition d’esclaves dans les plantations de canne à sucre pour gagner clandestinement la métropole, terre de liberté. Marseille, où ils débarquent, est un vaste chantier, notamment le port qui doit accueillir les navires de commerce de plus en plus nombreux du fait de son immense rayonnement. Joseph trouve du travail dans une raffinerie du quartier Saint-Charles, une des dernières à traiter le sucre à l’ancienne. Affranchi par son patron, il découvre la douloureuse condition ouvrière en tant que « sang-mêlé » dans un monde de Blancs. Il tentera pourtant sa chance dans une ville où l’industrialisation et la machine à vapeur permettent tous les espoirs mais où s’opposent farouchement partisans et adversaires de l’esclavage.
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